En 1995, les sœurs franco-camerounaises Hélène et Célia Faussart forment Les Nubians. Elles signent sur le label Virgin Records et sortent l’album “Princesses Nubiennes” en 1998. C’est un album de nu-soul avec des influences R&B et hip-hop qui s’inscrit dans la mouvance exacte de ce qu’ont fait Erykah badu, D’Angelo, Janet Jackson (Got Till t’s Gone) ou encore Maxwell aux USA quelques années auparavant. Le disque a d’abord du mal à prendre en France, mais les américains tombent sous le charme de ce duo décadent et jovial. Le single “Makeda” qui est d’ailleurs digne d’un opus d’Erykah Badu trouve sa place dans les radios R&B américaines, ce qui est extraordinaire pour un groupe français, avec en plus une chanson en français. Elles sont aussi portées par la presse américaine qui admire la sincérité et la profondeur du projet.
Elles revendiquent leurs origines, un groove presque naturel sur un tempo hip-hop soul qui traverse merveilleusement bien l’espace temps. Le titre se classera dans le top 10 des charts R&B aux USA et portera l’album “Princesses Nubiennes” qui finira à plus de 400.000 exemplaires aux USA. Elles seront aussi nommées aux Grammys pour le “ Meilleur album de R&b”, gagneront aux Soul Train Awards pour le prix de meilleur nouvel artiste, avant de récolter 2 autres nominations aux NAACP en 1999. Tout ça est exceptionnel pour des artistes francophones aux USA et ça reste à ce jour l’une des seules chansons françaises à avoir été classée aussi haut aux USA.
On sait comment le marché américain est difficile pour les artistes francophones, encore plus pour des artistes francophones R&B et c’est admirable et mérite d’avoir eu des filles comme elles qui ont ouvert la voie et permis d’avoir un titre français, cité, aimé et adoubé par le public américain dans la grande période de la nu-soul, mais ce n’est pas tout.
Un message pour l’Afrique.
Il faut savoir que le texte fait référence à l’histoire de Makeda, La reine de Saba mentionnée dans des récits bibliques, coraniques et hébraïques comme ayant régné sur le royaume de Saba, qui s’étendrait du Yémen au nord de l’Éthiopie et en Érythrée. C’est le symbole de la femme africaine, puissante et forte, qui est porté ainsi, dans une analogie avec l’Afrique elle-même. Elle est décrite comme étant une femme sublime, considérée par Salomon comme d’une profonde sagesse et d’une haute intelligence. On lui donne différents rôles, selon les livres, mais Makeda reste un symbole puissant de la femme noire indépendante.
Quand Les Nubians disent :
“On veut nous faire croire
A des mythes perdus Des passages de I’histoire
Falsifies et revus De Ramses a mandela, Que de verites tues
En ignorant le depart, on erre sans but.”
Elle évoquent le fait que l’histoire des africains et de l’Afrique est souvent falsifiée, à leur détriment. Ce qui souvent ne leur permet pas d’avancer, car ils ne savent pas en réalité d’où ils viennent.
Elles prennent par la suite Makeda pour exemple en insistant sur le fait que celle-ci était belle, que Salomon rêvait de sa peau noire ( détail qui n’en est pas un) mais bien une manière d’insister sur le fait qu’elle était noire, puissante et belle.. avant de dire que Makeda, cette femme noire ancestrale vit elle de nos jours. Comme pour montrer qu’elles connaissent l’histoire de l’Afrique, leur histoire et sont aujourd’hui là pour la porter.
“Makeda etait reine, belle et puissante
Salomon revait de sa peau noire
Je chante pour raviver les memoires
Exhumer les connaissances
Que la spirale do temps efface.
La reine de saba vit en moi
Makeda vit en moi.”
Elles invitent ensuite à raviver les mémoires, demandant aux afro-descendants de reprendre les rennes de leur histoire, d’aller faire des recherches sur leur continent, afin de mieux pouvoir le défendre. “Le savoir et la sagesse sont à portée de main, écoutes et observes”.
“ravivons nos memoires
Ll faut changer I’histoire
Elle part a la derive,
A la derive de mes maux
Le savoir et la sagesse
Sont a portee de main
Ecoute et observe…”
Il exalte sa joie
Loin de I’ignorance, il demontre sa foi,
Riche d’hommes et de valeurs,
Ils repareront les erreurs,
Fils et filles, vous et moi,
Prets au combat.”
Quelques années plus tard, les anglaises du groupe Floetry s’inspireront aussi de leurs travaux pour lancer leur album.