On l’avait déjà énoncé dans la chronique de son single mais ça ne fait pas vraiment de mal de le redire: Beyonce Knowles est un des plus grands paradoxes de la musique mainstream de ses 30 dernières années. Son talent de performeuse et sa monstrueuse énergie  sont aussi incroyables que son manque de travail et d’assiduité en studio ou son autre dextérité à s’emparer sans gêne du labeur des autres.

Avec 4 qui était annoncé comme l’album d’une certaine maturité, on est de prime d’abord partagé entre deux sentiments: l’empathie et  la colère. Empathie d’une part parce qu’encore une fois il est triste et même pathétique (ne lésinons pas sur les mots) de voir une chanteuse de son calibre, de sa carrure en arriver à ce stade et  ne proposer rien de plus que des cris et des hurlements en guise d’habillage aux différentes productions qui lui sont attribuées. On a l’impression qu’elle avait une course très importante à faire et que les titres ont tous étés enregistrés en une prise. Knowles s’époumone à la manière d’une truie à la vue d’un boucher et ça mal, même très mal aux tympans comme sur Start Over ou 1+1 qui frôlent l’inaudible tellement elle est dans la démesure. Une démesure qui peut devenir très drôle à l’instar de la fin d‘I Care où elle se prend pour une Mariah Carey en solde ratant lamentablement ses whistles. C’est le grand moment comique du disque qui laisse penser qu’elle-même ne l’a pas réécouté ou alors que son entourage doit sérieusement la détester pour ne l’avoir pas forcé à le retirer.

Dans le même temps mêlée à cette espèce d’empathie, une certaine colère peut aussi nous surprendre pendant les premières écoutes de ce disque car l’on ne peut s’empêcher de penser qu’avec de vrais vocalistes et un véritable travail : des ad- libs, des chœurs, des backgrounds, des harmonies, des layers ect. On aurait pu avoir un album d’une qualité autrement supérieure. Brandy, Janet, Mariah et pleins d’autres auraient tout à fait pu sublimer ce que Beyonce gâche par manque de modestie et de tact.

Maintenant une fois établie ces défauts quelque part inhérent à l’exubérante personnalité de la chanteuse. Il est légitime de reconnaitre certaines qualités à ce quatrième essai.

Premièrement, on n’a pas d’euro/dance mais dans le cas d’une artiste comme elle ce n’est pas réellement une prise de risque. Beyonce est une artiste catégorisée urbaine qui n’a pas l’aura d’un Usher ou d’une Alicia Keys chez ce même public aux U.S.A, les écarts ne lui sont donc pas beaucoup pardonnés. Hors ses ventes d’albums venant essentiellement de  cette zone, il est plutôt logique de ne pas la voir faire le faux pas d’entrer dans la mouvance actuelle. Là ou Britney, Gaga, Rihanna, Katy Perry et autres peuvent vendre des opus sur ce créneau. Elle en serait incapable car le public acheteur d’albums urbains la lâcherait instantanément. Le choix de ne pas se rallier au wagon de l’électro même si louable est donc tout d’abord salvateur pour sa propre carrière.

Ensuite, les influences sont beaucoup mieux gérées que sur l’abyssal Sasha Fierce. C’est le premier et le seul album de Beyonce a véritablement avoir une ambiance tout le long. Elle a mixé ses aspirations du R’n’b 90’s à la pop 80’s et il en ressort une atmosphère plutôt homogène, assez smooth  apart pour l’infecte premier single en lui-même (mais là encore, elle a eu la classe de le refourguer en fin d’album, comme une bonus track et donc il ne gêne en rien l’appréciation globale). Party  produite par Kanye West et en compagnie d’Andre 3000 est sans aucun doute la grosse réussite de l’album. Un summer jam new jack 90’s, un sample parfaitement inséré et une Beyonce à l’aise et sobre. Que demandez de plus ? C’est le genre de chansons qui rappelle ses débuts et qui aurait pu donner une ligne directrice véritable  à ce nouveau projet. Love On Top se veut être un clin d’œil aux 70’s et aux Jackson 5 mais avec une production typiquement 90’s, on se retrouve avec un cousin d’ I Love Your Smile de Shanice ou d’un Bad Boyz de Gloria Estefan. Ce n’est pas transcendant mais c’est rafraichissant tout comme I Miss You offerte par Frank Ocean qui rappelle la pop acidulée qu’une Cindy Lauper aurait pu revêtir en plein milieu des 80’s.

Countdown qui sample Boyz 2 men surprend par sa structure plutôt originale s’avérant être un bon up tempo urbain, dans la veine de ce qu’une Keri Hilson aurait pu proposer mais Bee n’en a pas à rougir car avec un petit passage de Jay -Z, il sera clairement un des titres les plus commercialement viables de ce projet derrière End Of Time. Une  petite bombe subtilement inspirée par Fela Kuti et soutenue par un bridge qui donnerait envie  de se jeter sur la piste même aux plus sceptiques des regroupements sur le dancefloor.

Diane Warren et Ryan Tedder referment le disque avec ” I Was Here“, une ballade dans la gamme de tout ce que Warren propose depuis bientôt 25ans, ça a donc un coté intemporel qui sied parfaitement à la mélodie et au texte simple mais évocateur. Un peu mélodramatique et ambitieux à seulement 30ans et on l’aurait surement plus  vu à sa place dans une bande originale de film mais il passe très bien et donne à faire oublier des erreurs comme l’affreux “ Rather Die Yound” casé en plein milieu de l’opus par on ne sait quel pari perdu.

Enfin, vous l’aurez compris. 4 de Beyonce n’est pas un mauvais album et ceux qui auraient la mauvaise idée de vous faire la  blague ” ah je lui mets 4/ 20 sur  à son  4” mériteraient des baffles. Beyonce a clairement voulu se prendre en main, seulement elle a souvent été mal aiguillée et d’excellentes idées ont été gâchées par un manque réel d’ouverture et de sérieux. Elle aurait dit vouloir faire un album au son “live” mais force est surtout de constater que 4 ne brille ni par  un organique,  ni par  la discipline ou la technicité que devrait avoir un album studio pour une chanteuse de son calibre. C’est un album que les fans glorifieront parce que c’est leur boulot, que les haters descendront en masse parce que sauf miracle il devrait mal se vendre, mais en réalité, il est plutôt correct. Mieux que Sasha Fierce (mais comment faire pire, vous me direz?), plus ou moins du même niveau qu’un B’Day et un peu moins bien que Dangerously In Love. Il n’y a pas de grand ballottement dans le monde de Beyonce, elle se reste  finalement très fidèle même s’il est désormais plutôt clair qu’avec le départ de son père, et l’avènement de la nouvelle génération, commercialement : le vent a tourné.  Et comme prédit ici même  ce ne sont pas les tours de passe-passe (jolies reviews télévisées ou performances dantesques) qui changeront la donne. Il est finalement plutôt cocasse de voir  que son destin sera dans les mains des gros dj’s r’n’b obèses et accros au Kfc à l’instar d’une Monica,  Keyshia Cole ou Kelly Rowland.

Retour aux bases. Le karma est décidément une chose formidable.

11/20.

13/20  ( avec la deluxe).