Je ne vous ai jamais raconté cette histoire, mais J’ai grandi au Cameroun.
Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un pays d’Afrique centrale, assez original dans son genre. Et la base de ma petite histoire est que j’ai eu des parents qui n’avaient pas réellement grandi dans ce pays. Mon père avait passé 25 ans de sa vie en Russie et ma mère avait quitté le pays alors qu’elle avait seulement 9 ans. Ils sont revenus en vacances, je suis arrivé donc ils sont restés. Ce sont donc mes parents, et tout particulièrement ma mère, qui ont forgé ce qui a fait ma culture musicale. Ma mère était une grande passionnée de musique soul/pop américaine, tandis que mon père admirait les choeurs de l’armée rouge russe. On changeait souvent d’ambiance brutalement, mais on écoutait beaucoup… presque autant qu’on lisait, car la lecture a aussi été l’un des fers de lance de mes débuts dans ce monde. Je me résumais à écouter, à lire et à écrire. Et comme j’avais des parents souvent absents et qui se sentaient coupables de ce fait, j’avais tout ce que je pouvais rêver d’avoir comme CDs, baladeurs et livres. C’est comme cela que je suis, petit à petit, devenu un fou de musique et que j’ai accumulé, au fil des années, tout ce qu’il était possible d’accumuler: j’étais comme boulimique. Dès que je lisais le nom d’un artiste, que quelqu’un passait à la télé, ou qu’un artiste que j’aimais citait un autre artiste, il fallait que j’écoute tout ce qu’il a fait, que je comprenne son son, son entière discographie sur Kazaa. Souvent, j’étais un peu perdu face à des vieux disques de Rick James trouvés dans la chambre de mon père ou des albums de Prince (que je redécouvrirai plus tard) mais j’avais cette immuable curiosité, cette folie des petits garçons qui rêvent de choses qui les dépassent. J’en parlais tout le temps; je posais énormément de questions et c’est donc ainsi, qu’un jour, une soeur de mon père, lassée de me voir la harceler de demandes, m’a pris un abonnement Internet (nous étions en 2002, c’était rare à l’époque) et a demandé à mon père de m’abonner aux Les Inrockuptibles.
Ces deux événements annexés ont changé ma vie. Enfin, je n’en avais plus. Je passais des heures entières à décortiquer les articles, à les relire et à essayer de tout comprendre: la vie musicale des artistes, les chroniques d’albums, l’histoire même de la musique pop… Je suis tombé fou amoureux de ce magazine qui est devenu mon modèle.
Je voulais avoir le même génie que les journalistes qui écrivaient ces dossiers, ces analyses. J’admirais leur sens du tact, leurs différentes plumes et quand j’ai eu 15 ans, mon but dans la vie était clair: je voulais travailler pour les Inrocks. C’était clair, net et précis dans ma tête: je travaillerai pour les Inrocks.
Bien évidemment, si vous voulez un épisode drôle, essayez d’expliquer à un père mathématicien camerounais que vous voulez aller travailler pour un magazine qui parle de musique à l’autre bout de la planète.
« Ça paie combien? Parce qu’avec tout ce qu’on investit sur toi tous les jours là.. ça paie combien? »
Mais rien ne m’arrêtait. Entre mes 15 et 17 ans, j’ai écouté plus de 4000 albums. Mes amis me prenaient pour un fou, mais j’étais dans une dynamique qui me dépassait-moi-même. Les Inrocks étaient pour moi l’excellence. Je devais donc être le meilleur pour y être; je devais tout savoir sur les artistes pop et m’affiner encore plus sur les artistes Soul/R&B, car c’était mon but.
J’avais déjà remarqué le véritable vide qu’il y avait autour de la musique Soul/R&B, notamment celle des années 80/90/00’s et je voulais mettre davantage en avant ces artistes, leur donner une meilleure luminosité, comme c’était déjà fait pour toutes les légendes de la pop et du rock dont on parlait énormément dans ce magazine. Je pensais que c’était la touche en plus qui manquait.. et c’est sur cette idée-là que Musicfeelings est né.

Le blog ne s’est pas toujours appelé Musicfeelings. Au début, il s’appelait Muzikclass et c’était sur Skyblog. À l’époque, j’avais beaucoup de lecteurs qui ne comprenaient pas que je fasse autant d’articles et que j’en sache autant en vivant au Cameroun. C’était drôle; puis un jour, Skyblog a supprimé mon compte parce que je mettais des liens de téléchargement. J’ai arrêté 2 ans, j’ai changé de pays, de vie, mais j’ai continué à lire, à écouter toujours plus, et je suis revenu dans cette aventure avec aujourd’hui plus de 6 millions de lectures sur le site, sans compter tous les #FixitJesus#Riresetchansons qui animent cette page, et qui sont aussi assez populaires grâce à vous. Merci!

https://blogs.mediapart.fr/swank/blog/260916/les-inrockuptibles-n-aiment-pas-la-musique-noire

J’ai été un peu ému à la lecture de cet article  parce que c’est ce même constat qui m’avait poussé à vouloir tout savoir sur la musique, il y a déjà plus de 10 ans de cela. J’étais juste un gamin, qui voulait se préparer au mieux, afin de faire ses preuves dans son magazine préféré.
Chez les Inrocks, comme avec beaucoup de magazines populaires, la culture Soul/R&B est représentée ou alors parfois traitée avec mépris, et ça ne change clairement pas avec le temps qui passe. C’est même intégré dans l’inconscient du grand public car si vous osez défendre autre chose, vous êtes un paria pour certains; mais je suis dans un sens content que cela se soit passé ainsi.
Et j’ai toujours beaucoup de respect et de tendresse pour ce journal car, malgré tout, c’est en les regardant faire, et en admirant ce qu’ils faisaient que j’ai pu trouver ce que j’aurais aimé faire.
Ils ont illuminé le petit garçon que j’étais, nourri ma passion à des milliers de kilomètres,et ça, quelque part, ça n’a pas de prix.

 

 

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