Keri Hilson est globalement absente de la scène musicale depuis 2011. Quelques mois après la sortie de son second album “No Boys Allowed”, la chanteuse avait dans un premier temps, décidé de s’éloigner de la scène musicale pour se consacrer à sa vie sentimentale. Certains évènements ont fait en sorte que cet éloignement d’abord voulu, pensé et planifié, s’est transformé en exil forcé. Dans cet article, nous allons revenir sur les plans forts de la carrière de Keri, mais aussi sur ce qui lui a valu une sorte de discrédit, auprès de son premier mentor et face au couple Beyoncé/Jay-Z.

Keri Hilson… Qui est elle?

Comme on l’avait précisé dans un autre focus sur sa carrière, Keri Hilson est une parolière très talentueuse. Elle a écrit pour des dizaines d’artistes et a d’ailleurs d’abord eu un contrat en tant que parolière avant d’avoir un contrat artiste.  Originaire de Decatur, elle commence dès l’âge de 14 ans dans le groupe D’Signe. Le grand public la découvre pour la première fois en 2004 sur le single “Hey Naw” de X-Zibit, qui se fait un petit succès auprès des radios R&B.

C’est la protégée de Timbaland, qu’il défend comme la nouvelle sensation de la scène R&B. Elle propose un premier EP qui se fait remarquer sur la scène et commence à travailler à l’élaboration de son premier album.  Elle commence à se faire voir avant la fameuse explosion, le fameux ” The Way I Are” qui sera un tube mondial.

C’est la consécration de cette image de jeune femme sexy, mais pas vulgaire, à la vois fluette, mais reconnaissable. Elle signe à ce moment-là sur le label de Timbaland, Mosley Group, qui est lui-même une succursale d’Interscope. Timbaland est à ce moment-là au sommet de la scène pop urbaine et c’est donc le bon filon pour Keri, qui se lie aussi d’amitié avec un autre producteur.

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Pollow Da Don est un autre gros producteur de la scène urbaine du moment. Il écrit des titres pour Ciara, Mary J.Blige, Chris Brown, Mario, ou encore Fergie. Il a le vent en poupe et accroche artistiquement avec Keri. Une situation qui ne plaît pas forcément à Timbaland, mais ce dernier finit par s’y faire. Keri Hilson signe donc sur les 2 labels. Son premier album est en partenariat avec Mosley Music (Timbaland), Zone 4 (Le label de Pollow Da Don) et le tout donc sous couvert d’Interscope. Elle est à ce moment-là dans une situation idéale pour une chanteuse de R&B mainstream, mais tout ne se passe pas comme prévu.

Dans un monde parfait.

Le premier album de Keri Hilson sort en 2009, soit 2 ans après le succès de “The Way I Are” et après avoir été repoussé plus d’une dizaine de fois. L’affaire agace les fans et les médias, mais le label essaie plusieurs singles sans trouver la formule gagnante. De manière logique, c’est à Timbaland qu’on donne la priorité. Les singles “Energy”, “Return The Flavor ” sont 2 chansons qu’il propose dans la veine de son succès de l’époque. Malheureusement, ça ne prend pas auprès du grand public.

Le label panique. A la surprise générale, POllow Da Don force et envoie sans l’autorisation du label, le titre “Turning Me On”, qui est plus R&B-Hip Hop et qui n’a rien à voir avec l’image véhiculée par Keri depuis ses débuts. Les radios aiment et ça décolle. Le titre est un  gros succès R&B/Hip Hop, et se classe à la 15e place au Hot 100.

C’est donc Pollow (et c’est important dans l’histoire de Keri) qui permet à la chanteuse d’avoir le succès qui lui permet de sortir son album. Elle amplifie le buzz avec “Knock You Down”, toujours plus R&b/Hip Hop et qu’elle doit cette fois à Danja. Sur le titre, Kanye et Ne-Yo sont aussi de la partie.

Ce sont les 2 plus gros succès de l’opus, qui finit avec plus de 500.000 ventes et une jolie reconnaissance critique pour plusieurs des titres comme “Make Love”, ou encore “Alienated”. Interscope voit qu’il y a un véritable avenir avec elle. Elle multiplie les collaborations et c’est là qu’elle entre dans un clash assez curieux avec Beyoncé et Ciara.

Clash avec Beyoncé et Ciara.

Quelques semaines seulement avant la sortie de son 1er album, Keri Hilson est “piégée” par Pollow Da Don. Il publie sans son autorisation un remix de “Turning Me On” de Lil Wayne avec T-Pain.

Dans le titre, on l’entend assez clairement tacler Beyoncé  :
« Je n’essaie pas de semer le trouble, j’ai juste quelque chose sur le cœur que je dois soulager . Vous vous mettez le doigt dans l’œil si vous pensez être les meilleures. Tu peux danser, elle peut chanter, mais tu devrais dégager. Tu as besoin de partir faire des enfants. Elle a besoin de se poser, elle se fane.

Du coté de Ciara :

“Allez-y, dites aux gens depuis combien de temps j’écris vos chansons… je vous ai emmené le succès… vérifiez les crédits !”

Elle rappelle entre autres qu’elle a écrit “Like a Boy” pour Ciara, ce qui va mener les 2 chanteuses dans une sorte de guéguerre dans les médias et par chanson interposée.

Toutefois, c’est surtout les attaques de Keri envers Beyoncé qui font du remue sur la scène. Plusieurs rumeurs expliquent que l’inimitié entre les 2 vient du titre “Love in The Club” d’Usher. Keri apparaissait dans le clip et aurait du être sur le remix or Beyoncé s’y impose et c’est donc l’ex Destiny’s Child qui est sur la seconde partie, ce que Keri vit mal. Les producteurs réagissent notamment Rodney Jerkins…

https://www.youtube.com/watch?v=7ToH-2Qfy5I

Il est très dur avec Keri et estime qu’elle n’avait pas à dire des choses pareilles, même si c’était en studio et que ce n’était pas censé sortir. L’histoire prend cependant une ampleur totalement folle chez les fans de Beyoncé, qui s’inscrivent dans une opération d’harcèlement de Keri.

Keri vs Beyhive.

En effet, la fanbase de Beyoncé qui est souvent jobless (du moins se comporte comme si elle l’était) prend Keri Hilson pour cible. Injures, menaces sur toutes les plateformes, ça devient (et ça l’est d’ailleurs toujours), un passe-temps pour eux de l’insulter ou de la violenter sur les réseaux sociaux.

Toutefois, Keri Hilson refuse obstinément de céder. Son second album qui lui offre le succès ” Pretty Girls Rocks” est plus décevant au niveau de ventes globales malgré un bon démarrage et déçoit le label Interscope. En plus, l’industrie changeant très vite, ses 2 mentors, Timbaland et Pollow Da Don sont désormais au fond du trou. Le 1er a floppé avec son opus ” Shock Value 2″ et le second a du mal à se remettre des échecs des singles du “Bionic” de Christina Aguilera, sa carrière en prend un sacré coup. Avec des chiffres moyens pour “No Boys Allowed”, ça devient difficile de se maintenir dans l’industrie pour Keri.. mais elle refuse de s’excuser, ou de revenir sur ses propos dans le diss, pour plaire à un certain public. Pire, d’une certaine manière, elle assume. En 2012, on lui demande de tenir un magazine pour en faire une photo promo lors d’un évènement. Elle est d’accord pour le faire, jusqu’au moment où elle se rend compte que Beyoncé et Jay-z sont sur la pochette.

Quand elle se rend compte que ce sont Beyoncé et Jay-z, elle refuse catégoriquement de faire la photo.. ce qui rend les supporters de l’ex Destiny’s Child totalement fou, notamment… Timbaland.

L’impact Timbaland.

En 2012-2013, il n’y a plus grand monde (hormis Justin et Jay-Z) qui croient en Timbaland, et Jigga fait partie de ces gens qui sont toujours là pour lui. Il lui propose de le signer chez Roc Nation, ce que Timbo accepte. Le producteur signe chez Roc Nation, mais il n’abandonne pas son bébé. Keri, c’est sa protégée. Elle n’en fait qu’à sa tête, mais c’est sa petite. Les tensions avec le couple Beyoncé/Jay-Z ont fait en sorte que Jay-z refuse de sortir officiellement le featuring “Rumors” que Timbo avait organisé entre les deux.

Il signe chez Roc Nation et devient quelque part un peu une sorte de “traitre”, car à la base, Keri était signée chez lui. Lui, allant signer dans le “camp adverse” parce qu’il n’a plus les ressources pour tenir son label, ça ne passe pas très bien. C’est alors qu’il a l’idée de recycler une chanson enregistrée avec lui et Keri Hilson. Le titre de la chanson est “Sorry”. Timbaland dévoile donc dans des radios qu’il va sortir un nouveau titre ” Sorry”, qui est donc censé être une présentation d’excuses de Keri Hilson à Beyoncé.

C’était le 17 juillet 2013. Il annonce sur les sites internet qu’il a écrit cette chanson d’excuse..

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Keri Hilson prend très mal la chose, réfute l’information et le titre ne sortira jamais. Il y avait aussi chez Timbaland, le souci contractuel avec Keri, il aurait été plus facile pour lui de la transporter avec lui dans une autre maison de disques, sachant qu’il avait un contrat de 6 albums ensemble. Keri ne veut rien entendre et c’est donc ainsi qu’il va sans elle dans la maison Roc Nation, où il produira entre autres des titres comme “Drunk In Love” et “Glow “pour Beyoncé.

 

Avec un mentor passé dans l’équipe adverse et un autre très affaibli (Pollow) en termes d’impact sur une scène R&B mainstream devenue extrêmement difficile pour les chanteuses, Keri Hilson n’arrive pas à garder son contrat chez Interscope. Le label étant déjà  un peu déçu des chiffres de” No Boys Allowed” ne voit plus l’intérêt de la garder, si elle n’a plus le support des 2 autres labels de producteurs qu’elle avait au début. Ils engagent donc une rupture de contrat, qui prendra du temps et elle semble donc s’être libérée depuis 2015, vu que cette année-là elle disparait de tous les listings d’Interscope. Depuis, elle a annoncé à plusieurs reprises être en studio. On a même eu un titre, avec Young Thug, et quelques extraits sur Instagram. L’an dernier, une pochette d’un single “Again” a été mise en ligne, avant qu’elle ne se rétracte. Il y a des chances  qu’elle redoute une sortie en indé et essaie de trouver une nouvelle maison de disques, ce qui explique ces reports sachant que même l’album a un nom ( L.I.A.R.), mais rien n’a été confirmé pour le moment. Toutefois, cette histoire lui colle toujours à la peau. Elle continue à être persécutée par les fans de Beyoncé. A chaque fois qu’elle fait un post, ils s’empressent de l’insulter et de la tourner en ridicule.

Une situation complexe

Au-délà de cette histoire et du frein qui en a découlé compte tenu de la relation entre Jigga et Timbaland, Keri Hilson a le même souci que beaucoup de chanteuses de R&B, de la seconde partie des années 00’s notamment.  Quand les textes commencent à être vraiment peu profonds et qu’il y a une véritable chûte qualitative, parce qu’on veut plus des chansons basées des gimmicks, qui vont faire danser en boite, que de vraies bonnes mélodies. Elle, qui sait écrire et construire des titres avec de très bonnes mélodies, se retrouvent à devoir se ranger dans la tendance. Cependant, cette tendance lui donne quelques titres à succès entre 2009 et 2010, mais pas de grandes chansons suffisamment marquantes sur la longueur. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de toucher un public plus mature pour essayer de se crédibiliser. On se souvient encore que le 1er single du second album était “Breaking Point” avec sa touche plus soul.

L’heure n’est malheureusement pas à ce genre de titres et elle n’insiste pas suffisamment longtemps. On l’oublie souvent, mais elle sort ses 2 albums en 2 ans, puis s’en va.  Elle a un certain capital sympathie, qui est indéniable, mais elle n’a pas pris le temps de construire cette stabilité artistique, et ce qui peut lui jouer des tours avec un éventuel retour. Peu de gens savent qu’elle est capable d’écrire et de composer des titres comme celui-ci..

En 2017, les artistes R&B ( et encore plus les femmes, comme expliquées dans ce dossier) sont perdues commercialement. C’est pour ça qu’aucun autre label n’a vu de réel interêt à la reprendre ou à racheter son contrat depuis tout ce temps. En plus, Keri avait un avantage, c’est qu’elle était très souvent en featuring avec des rappeurs. Entre 2008 et 2010, elle est sur  au moins 50% des albums de rap mainstream qui sortent. Hors, lorsque la trap vient sur le devant de la scène en 2012-2013, elle rate le côche qui lui aurait permis d’être à la tête de ce mouvement chez les filles et donc de se faire découvrir par une nouvelle génération. Au point où elle en est, le fantasme de l’opus au succès commercial s’est effacé, mais ça ne veut pas dire que tout est perdu.

  • Elle peut (doit?) lancer une tournée ou être en première partie d’un artiste comme R.Kelly ou Joe. Ce serait le parfait moyen pour elle de refaire savoir aux gens qu’elle est encore et toujours là, pas juste sur Instagram, en tant qu’artiste.
  • Ensuite, imaginer un opus conceptuel (voire visuel) basé sur sa médiatisée rupture peut lui apporter une certaine visibilité et donc créer de l’intérêt., notamment chez le public féminin.
  • 2 ou 3 featurings avec des rappeurs pour revenir petit à petit en radio.. ou même un ou 2 remix.

Ces éléments seront difficiles à mettre en place si elle est sur son propre label, mais ce sont les meilleurs moyens pour elle de se reintroduire, car contrairement aux chanteuses de R&B des 90’s ( Monica, Mary J.Blige, etc) qui ont un vrai maintien grâce à un public R&B adulte, les chanteuses de R&B des années 00’s sont souvent plus perdues. Les puristes du R&B ( donc les radios R&B adultes, qui sont encore les seules à jouer des artistes R&B féminines) les ignorent, et une partie des gens qui les écoutaient, ne les écoutaient pas pour elles, mais juste parce qu’elles passaient à la radio.  Elles ne peuvent donc pas se réfugier brutalement dans l’habillage du #retourauxsources, il faut forcement des mélanges intelligents et fins.  Exemple : Letoya ( avec l’opus “Back 2 Life” ) vient de réussir ce défi qualitativement, mais elle est invisible. Elle n’avait pas prévu de concerts ou d’apparences avant donc, elle n’a aucun buzz, et l’opus fait de mauvais chiffres. Ce sera là, le grand défi du retour de Keri.

Elle a du talent, mais doit encore faire ses preuves et proposer le projet  dont on se souviendra si elle veut entériner son positionnement sur le long terme!

[Focus] Keri Hilson, 10 titres R&B/Pop que vous ne saviez pas qu’elle a écrit pour d’autres artistes.

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