Donell Jones est sans doute un des artistes R&B les plus sous-estimés de sa génération. Aujourd’hui, on parle de son album “Journey Of a Gemini”. C’est le 4e essai du chanteur, sorti le 20 Juin 2006. C’est garçon très discret, mais c’est surtout un auteur-compositeur. Il a été d’abord engagé comme parolier et il l’a d’ailleurs fait pour le premier album d’Usher. Un des grands secrets de sa discographie, la chose qui lui donne cette teneur souvent très élégante, mais profondément différente de ses concurrents est qu’il n’a pas travaillé avec les producteurs à la mode.
Il a composé ses 3 premiers albums avec des garçons souvent très peu connus dans le milieu de la musique. Sans être le même niveau, c’est aussi ce qui fait la force du “The Miseducation the Lauryn Hill“. Contrairement par exemple à un ” The Writings On The wall” qui s’inscrit exactement dans le son qui était fait et passait à la radio entre 99-2000, avec tous les gros producteurs du moment. Ce sont des gens ( Lauryn et Donell entre autres donc) qui ont choisi de ne pas faire exactement ce que tout le monde faisait, ce qui leur permet d’avoir un apport différent.
Ça, c’est pour la première partie de la carrière de Donell. En effet, après ” Life Goes On” et les gros soucis du label Laface, il signe en partie chez Jive. Ces derniers ont une politique différente. Ils veulent des “hit-makers”. Le R&B est en plein changement. Ils ne réussissent pas à totalement lui faire confiance. Il a un gros budget, mais on le lui alloue afin que plusieurs des grosses têtes de l’époque travaillent à ses côtés. C’est donc ainsi que Jermaine Dupri, Ryan Leslie, mais surtout Tim & Bob et Mike City entrent en studio avec Jones. Au début, cet album qui a mis beaucoup de temps à sortir ( repoussé à de nombreuses reprises ) inquiète un peu les fans. On ne sait pas à quoi s’attendre. On a un peu peur qu’il perde de sa force, de son essence, mais il en sera rien.
Donell Jones est un garçon romantique, au sens presque romanesque du terme. Il aime les grands espaces, les belles phrases bien faites, mais surtout les jolies histoires de vies. C’est-à-dire que même si – parce que nous sommes dans le créneau R&B Love – il cède aux formules romantiques souvent un peu convenues. Il essaie d’avoir cette sensibilité, cette touche si groovy doublée d’harmonies subtiles qui caractérise aujourd’hui son art. L’utilisation de la guitare, les refrains portés en 2 ou 3 demi-tons et cette voix posée comme si elle vous parlait dans le creux de l’oreille.
Journey Of A Gemini” est donc comme son nom l’indique, un voyage… et quel voyage ! Tout s’assemble parfaitement dans ce disque qui fut introduit par le single “ Better Start Talking”. Une production sympathique de J.D, qui ne rivalise cependant pas avec les bombes que sont “I’m Gonna Be” et “Feelin’You” offertes par le tandem Tim and Bob. Le duo porte avec lui le vent de fraîcheur qui l’a toujours caractérisé dans un album, qui tout en étant varié, reste profondément estampillé “D.J”. On a envie de parler de la touche acoustique-soul du puissant “Portrait Of A Woman”, mais on ne peut pas non plus ne pas citer le sublime “Cry” qui est surement une des plus belles ballades de sa carrière. Puis dans la zone R&B Glamour, on se délecte de perles comme ” Lust Of Love” ou encore “Spend The Night” qui auraient pu être portées par un Dave Hollister. Et comme c’est un parolier, qu’il écrit bien et a un sens de malice, il nous fait aussi rire de plaisir.. ou plaisir de rire avec les chansons “Special Girl” et bien sur ” Cutting Me Off” qui est redoutable vocalement. Tank et The Underdogs font en effet un extraordinaire travail sur ce titre qui 10 ans après sa sortie, met à l’amende la discographie entière de certains nouveaux chanteurs de R&B ( la prestation vocale entre la 3.13 et la 3.45 étant absolument divine).

Cet album fut horriblement promu par Laface, mais unanimement reconnu par la critique.
C’est comme s’il avait fait une synthèse du R&B de 2003 à 2006, avec une pincée d’idéalisme qui lui donne une portée, qui va au-delà de cette simple décennie.