La série “Atlanta” de Donald Glover accumule les bonnes critiques et vient même de recevoir une nomination aux Golden Globes. Une consécration plus que méritée pour Childish Gambino, qui est l’un des artistes les plus profonds de sa génération. Tout en cultivant une relative discrétion, il sait mettre le doigt où il faut avec une élégance rare. Cette série qui entend retracer l’histoire d’un jeune rappeur et de son producteur dans la fameuse ville d’Atlanta en est un nouvel exemple. Tous 2 pommés, Tous 2 blasés, mais c’est bien de ce constat narcissico-cynique que la série tire toute sa force. Loin des clichés souvent dégoulinants d’Empire et du scénario un peu trop classique de “The Get Down”. Il nous porte dans le quotidien d’une mini communauté qui n’a pas à s’excuser de ce qu’elle est et qui d’ailleurs ne le fait pas. On ignore la divagation et les nombreux excès pour laisser place à une justesse qui nous lie aux personnages. Leurs expériences de vie, tout en étant différentes deviennent universelles parce qu’elles sont racontées de manière brute , mais intelligente.
Le ghetto noir n’y est pas décrit comme un énième objet de fantasme en tous genres, mais il est intégré dans une réalité souvent subversive qui ne manque pas d’interpeller le téléspectateur. Il a réussi à trouver la juste note entre la simple banalité et la liberté que lui permet la fiction. Car, même si on l’oublie à certains moments – vu qu’on tutoie carrément le documentaire parfois -, Atlanta reste une fiction, une fiction brillamment menée, mais c’est bien une fiction. Elle prend du temps pour s’installer, mais le fait avec le soin d’écumer chacun des thèmes sociaux profonds les uns à la suite des autres. On a comme une maxime, une morale cachée à la fin de chaque show. Un peu comme des poèmes de La Fontaine ou de Paul Eluard, Childish réussit à analyser son époque, à la cristalliser afin d’en extirper la moelle. Cette moelle qu’il présente par la suite aux téléspectateurs.
A cet effet, la série a son petit lot de grands moments, même si rien n’est aussi brillant que l’épisode 7. Tout en étant divertissant, et profondément drôle. C’est presqu’un manifeste philosophique qui rappelle ( au niveau du ton) les meilleures heures de “South Park “. Le thème, c’est la différence et le droit à cette différence. Tout se déroule sur un plateau télé ou presque, et plus les secondes avancent, plus on s’amuse du comique de la situation qui décrit pourtant clairement un fait sociétal réel.

Quand est-ce que le droit à la “différence” commence et quand s’arrête t-il? Les hommes noirs ne veulent plus être discriminés par les hommes blancs, tout en discriminant les femmes. Les femmes se sentent discriminées, mais trouvent encore le moyen d’être divisées et d’avoir des aprioris sur des femmes noires par exemple. Des femmes noires qui en étant donc discriminées n’ont aucune gêne à juger les homosexuels. Des homosexuels qui eux-mêmes jugeront bientôt les hommes peu “masculins”, les transsexuels, travestis, ceux qui ne correspondent pas aux codes qu’ils se font de leur “nomalité”, car le droit à la différence est très souvent utilisé comme une recherche de “normalité”. Des “anciens” opprimés qui s’empressent d’opprimer d’autres à leurs tours. Ainsi, beaucoup refusent de voir ce “droit” pour lequel ils se battent, cette tolérance qu’ils recherchent pourrait être la même pour les autres.

Donald touche – entre autres – à ce thème sensible avec une légèreté et un humour qui mettent en exergue sa grande finesse d’analyse, sa pertinence….. son talent tout simplement.
En esperant qu’il aura tout le succès et tous les prix qu’il mérite.
Un bravo s’impose !!