Frank Ocean – Channel Orange.

Album de l’année? Classique ? Revolution? Nouveau « The Miseducation » Of Lauryn Hill?. Les compliments pleuvent pour le premier album de Frank Ocean « Channel Orange » sorti à l’avance mardi dernier après que le chanteur ait révélé son homosexualité. Coup médiatique? Concours de circonstances?

Le membre de la formation Odd Future a en tout cas clairement acquis une notoriété rapide qui lui a permis d’écouler près de 130.000 ventes de son projet seulement dès les 7 premiers jours aux U.S.A.

Cependant, est ce que les dithyrambiques réactions des internautes et des critiques ( plutôt favorables) ont été biaisés par la déclaration du jeune homme? Pitchfork lui a même mis 9.5/10 lui attribuant ainsi une des meilleures notes pour un album sur ce site. Est ce mérité ou est ce que le chroniqueur de la prestigieuse rédaction a lui aussi fait preuve d’une légèreté presque militante envers le projet du chanteur?

C’est ce que nous avons essayé de découvrir sur Musicfeelings, nous qui suivions l’évolution de Frank depuis ses débuts sous le nom de Lonny Breaux puis avec sa mixtape « Nostalgia Ultra » dont on vous a longtemps vanté les mérites. Ést ce l’aboutissement d’un grand artiste ou une certaine cristallisation, fascination face à son coming out plus ou moins audacieux?

L’écoute et l’analyse nous ont conduit à nous dire que c’était un peu des 2. Il n’aurait certainement jamais vendu autant sans cette déclaration ( exemple:Janelle Monaé avait déchainé les excellentes critiques en 2009 et a floppé comme rarement sans tubes radios) mais il est loin de démériter.

En effet, Channel Orange est un projet extrêmement cohérent,c’est la chose qui frappe. Il a beau avoir parcouru tous les styles dans les 200 demos de lui qu’on a écouté depuis 4/5 ans, il a réussi à se concentrer, à s’épurer et à faire la claire synthèse de ce qu’il voulait exactement sur ce projet. Une soul teintée de sonorités hip hop qui s’inspire énormément de Prince et de Stevie wonder à l’instar d’un Musiq.

Volontairement, il prend à contre pied la mode actuelle et offre des productions extrêmement dépouillées, souvent même un peu laconiques, molles mais qui s’embrassent cependant très bien les unes aux autres. C’est la principale force de l’album qu’on peut aussi voir comme un cahier intime. On n’est pas dans la recherche du meilleur single mais bien dans la volonté de construire quelque chose censée se consommer dans son entièreté.

La remarquable plume  du garçon nous trimballe dans ses moments de doutes, ses petits maux de cœurs et plus simplement sa découverte du sentiment glorieux . On le voit mettre un point d’honneur à chaque aspect, chaque petite phrase pour donner une contenance, un raisonnement plus fort, plus classe et surtout très personnel à chacune des choses qu’il veut mettre en exergue.

L’opus se consomme comme un bol de chocolat noir en plein coucher de soleil. Sobrement, étape par étape avec des pics émotifs sur des titres comme « Pilot Jones » , « Super Rich Kids» ou encore « Lost » et « Forest Gump ».
Il y a volonté d’avoir une musique en dessous de la musique, un fil conducteur, une histoire qui force une l’admiration et qui fait qu’on puisse tout à fait comprendre qu’il puisse plaire et seduire en cette periode. Il s’eloigne sur de nombreux aspects des autres chanteurs, notamment Usher, Chris Brown. Ce n’est d’ailleurs même pas du R&B, Frank met comme un point d’honneur à snobber le genre au point où il donne une nouvelle production plus zizgaguée, moins sulfureuse à «  Thinking About You ».
Inutile vu que la chanson perd en efficacité mais partie intégrante de sa volonté de ce se couper de tous les autres en imposant son propre style….et c’est peut être là qu’il va trop loin..?!

Vocalement, bien qu’il soit doué, on note des petites faiblesses, des petites répétitions qui ne font toujours pas bon ménage avec les productions parfois peu riches. Ce sera le défaut principal qu’il devra corriger pour le projet prochain : Varier sa manière de poser son timbre en l’alliant à des productions plus mélodieuses.

Channel Orange à un coté «  Oeuvre d’art » chic, à encadrer autour de son salon. C’est le chanteur noir urbain, un peu rebelle, un peu gay ( mais pas trop, il est Bi-Sexuel attention), un peu pertubé, et peu provocateur ( Quand on chante «  “allahu akbar” sur une chanson intitulée «  Bad Religion », on veut forcement se faire taper dessus..) mais ça reste néanmoins beaucoup dans l’air du temps. On aime ce qu’on entend mais en le terminant, on a le même sentiment que lorsqu’on arrive à la dernière page du premier tome d’une passionnante saga: Vivement la suite!

16/20.